Ma vie sans sel

Table des matières

« Passez-moi le sel ! » Combien de fois avons-nous dit ou entendu ceci ? Cette phrase anodine que bien des familles emploient est devenue un sujet sensible presque tabou dans la mienne.

Ce banal condiment est devenu mon ennemi, le jour où le syndrome néphrotique est venu sournoisement s’attaquer au rein de mon fils, âgé à l’époque de 22 mois.

Vous avez été nombreux et nombreuses à me demander d’où m’était venue l’idée de créer Linkook. Je me suis dit qu’il était temps de vous l’expliquer. Je me sens prête à en parler aujourd’hui et à livrer une part de ma vie, de notre vie. Des instants personnels dont très peu de personnes en dehors de la famille et des amis proches connaissent l’existence.

Un témoignage d’une tranche de vie qui montre que l’on peut sortir sans encombre de cette épreuve.

Des mots pour apaiser des maux, une sorte de thérapie qui permet de mettre entre parenthèses cette épreuve sans pour autant l’oublier car la maladie est en sommeil toujours présente comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes…

Un besoin de poser des mots sur une situation dont je ne suis pas maître. Un mélange d’incompréhension et de colère auquel on ajoute un sentiment de frustration avec une pincée de culpabilité

Aujourd’hui tout va bien, Elio a un nouveau traitement, qui lui correspond bien pour le moment. Il est en phase de rémission. Petit à petit l’horizon s’éclaircit et on entrevoit le bout du tunnel… un long parcours du combattant où il n’est pas encore sorti vainqueur. Je n’ai pas fait ce témoignage pour attendrir ou faire pleurer dans les chaumières car ce n’est pas mon but. Je n’ai pas envie de me faire plaindre et j’ai conscience que ce n’est ni une maladie incurable ni une fatalité. J’ai beaucoup de recul face à ça car lorsqu’on est confronté à des enfants au sort bien moins clément on remercie le ciel (ou n’importe quoi d’autre d’ailleurs !) que son enfant n’ai qu’un syndrome néphrotique !

Surtout une occasion de montrer que la maladie n’épargne personne, peu importe la condition sociale ou le niveau de vie nous sommes tous égaux et impuissants quand elle décide de nous choisir…

Qu’est-ce que le syndrome néphrotique ?

Il y a plusieurs formes de syndromes néphrotiques, celui dont je parle est le syndrome néphrotique de l’enfant.
Cette maladie touche 15 enfants sur 100 000 plus fréquemment des garçons. La cause n’est à ce jour pas connue sauf pour nous parents, plus connue sous le nom de « faute à pas de chance » .

Elle devrait passer avec le temps car en grandissant le système immunitaire se renforce mais il n’y a pas de certitudes ni de nombre d’années prédéfinies.
Seulement en tant que maman tu te dis que c’est forcément de ta faute, que tu as dû échouer quelque part… À cet instant, un sentiment de culpabilité, une profonde injustice m’envahit et je vais déjà devoir expliquer à mon petit bonhomme de même pas 2 ans que maman ne pourra pas soigner son bobo.

Quelles sont les conséquences du syndrome néphrotique ?

La conséquence principale est la perte de protéines, appelées albumine, dans la circulation sanguine qui se traduit par un gonflement provoqué par un excès d’eau et de sel dans les tissus.

Le risque premier est la formation de cailloux de sang un peu partout dans le corps que l’on appelle thrombose.
Le second est l’exposition plus fréquente face aux infections dues à une mauvaise défense du corps. La contradiction de cette « maladie » est que pour la combattre on doit administrer un immunosuppresseur servant à calmer l’attaque du système immunitaire face au syndrome. Il faut donc trouver un juste milieu entre la mise en sommeil du dysfonctionnement rénal et le bon fonctionnement du système immunitaire.
Pas simple à comprendre je vous l’accorde… !

Ces œdèmes peuvent devenir si importants qu’ils transforment votre joli petit bout en cousin du bonhomme Michelin… Au moment du verdict, il n’y avait pas de différence entre ses cuisses, ses genoux et ses mollets c’est dire… Il avait seulement 2 boudins à la place de ses jolies gambettes de bébé.

Nous n’avons pas été interpellés tout de suite car c’était (et c’est toujours d’ailleurs !) un petit garçon avec un bon coup de fourchette et à cet âge-là il est fréquent que les morphologies des bébés incluent un petit bidon rond.
Mon fils avait tellement gonflé que l’on a d’abord cru à une allergie car lorsque ses paupières ont enflé là on s’est dit que quelque chose clochait.

J’ai cherché naïvement « rétention d’eau enfant » sur internet et je suis tombée sur un article et des témoignages décrivant la situation dans laquelle Elio se trouvait. Sans même avoir le verdict j’étais sûre de moi. Je n’ai pas la prétention de me dire médecin mais je le savais au fond de moi, mon cœur de maman en était convaincu.

Voulant consulter le plus rapidement possible, je suis allé voir un autre médecin que mon généraliste de l’époque, qui n’était pas disponible à ce moment-là. Quand j’ai téléphoné à cet autre médecin pour lui expliquer la situation en employant le terme « rétention d’eau » il s’est moqué de moi ! J’ai été outrée de la façon hautaine dont il s’est comporté et j’ai donc attendu mon généraliste. Il a été formidable et a compris tout de suite que quelque chose n’allait pas. Il m’a dirigé vers l’hôpital pour un diagnostic plus précis.

Le cas de syndrome néphrotique peut arriver seulement une fois en une carrière donc il est possible pour un médecin généraliste de passer à côté.

Même si on lit beaucoup de bêtises sur les forums internet, il ne faut pas négliger les pistes sur lesquelles ces témoignages peuvent nous emmener.
Nous avons très peu de photos de cette période mais je suis tombée sur quelques clichés pris par notre entourage et je me demande comment nous avons pu passer à côté…
Si ce sujet vous intéresse vous pourrez trouver toutes les informations nécessaires ici.

Se familiariser avec le « sans sel »

Le régime dit « sans sel » est nécessaire lorsque le syndrome néphrotique est en poussée afin d’éviter les œdèmes ou en limiter l’importance.

Vous me direz facile plus de sel, et le tour est joué… Erreur !

C’est là que le casse-tête commence car le sel est partout ! C’est ainsi que notre partie de cache-cache cache a débuté.
Le régime zéro sel n’est pas possible on parle plus d’un régime très fortement réduit en sel : le régime hyposodé.
Excellent conservateur et exhausteur de goût il est très utilisé dans toutes sortes de produits, il est partout ! Dans tout ce qui est « salé » évidemment mais aussi dans des aliments insoupçonnés… Le comble c’est que là où il est le plus présent c’est dans les produits destinés aux enfants !

Auriez-vous pensé qu’en donnant un pain au lait à votre enfant il ingurgiterait l’équivalent en sel de 3 tranches de saucisson ?

Et oui… Quand même !

Cuisiner sans sel est bien plus difficile qu’il n’y paraît car hormis la « liste noire » d’ingrédients (conserves, charcuterie, pain, biscuits du commerce…) il faut sans cesse faire preuve de créativité avec les assaisonnements et jouer avec les épices pour « remplacer » au mieux le goût que ces quelques grains de sel vous auraient apporté.

J’ai toujours attaché beaucoup d’importance à diversifier et varier un maximum mes plats pour que mon petit garçon se sente le moins frustré possible. La notion de plaisir est primordiale, c’est l’essence même de la cuisine pour moi, même ce n’est pas une chose facile quand on ne peut pas manger comme les autres…
Quoi de pire que de devoir dire « Non tu ne peux pas » , « tu n’as pas le droit »… ?
Et que cette petite voix vous répond « oui je sais mais j’aime bien… »

J’ai toujours aimé cuisiner, un plaisir et une passion que je véhicule dans mes assiettes. Mais là, il était question de mon fils, mon tout-petit que je devais priver de ce plaisir, de cet amour… Impensableimpossible tant cette pensée me crève le cœur. Pour lui, j’ai décidé de ne pas me laisser abattre, je réussirai coûte que coûte à dépasser tout ça. Cette force que seul l’amour d’une mère pour son enfant est capable de donner.

Cet événement a tout déclenché : un déclic sur l’effet de l’alimentation sur notre santé, une échappatoire dans laquelle je me suis réfugiée pour surmonter cette épreuve.
J’ai fait des recherches, des tests, déterminée à ce que rien ne change si ce n’est en meilleur !
Sans le savoir, je mettais en place les prémices de Linkook !

Quelques astuces :

  • Avoir toujours une réserve de viande, de poisson, de pain sans sel et de légumes au congélateur.
  • Devenir collectionneur d’épices ! Elles permettent de donner de la saveur et de rehausser le goût de vos plats.
  • Faites découvrir de nouveaux fruits (exotiques par exemple) ou légumes (légumes anciens comme le panais par exemple)

Mon approche de la maladie

Je ne lui ai jamais menti sur son état de santé, il sait qu’il a une différence et que nous devons vivre avec. Ces restrictions alimentaires sont éprouvantes et c’est une bataille quotidienne aussi bien à la maison, que lors des sorties ou des repas de famille, car j’ai le rôle de la méchante, celle qui dit NON.

Je dis non à mamie qui veut donner une sucrerie à son petit-fils.
Je dis non au copain qui veut partager son goûter d’anniversaire.
Je dis non à la chasse aux Œufs de Pâques, à la bûche de Noël, à Halloween

J’ai parfois décliné certaines invitations, par peur de devoir encore affronter cet instant où je devrais dire NON. Une réaction humaine, de protection, pour le protéger mais pour me protéger aussi je l’avoue… Une pause où je pouvais contrôler un tant soit peu la chose. Avec le recul je me dis que ce n’était pas une solution mais je sais que ces instants ont été nécessaires dans le cheminement de l’acceptation de la situation.
Puis la question d’avoir un autre enfant s’est posée. Nous avons eu un moment d’hésitation, n’ayant pas notre famille à proximité, il a fallu envisager le fait qu’il pourrait être à nouveau hospitalisé sur plusieurs jours ou plusieurs semaines.

Comment s’organiser avec un bébé, un mari peu disponible et une famille absente ?

LA situation tant redoutée est arrivée et on a géré au mieux. Ce sentiment de se sentir tiraillée entre ses deux enfants a été un peu difficile car il a fallu que « j’abandonne » nuit et jour, malgré moi, mon tout petit bébé pour veiller sur mon grand bébé.
Sa dernière hospitalisation a été plus dure que les précédentes, son regard avait changé, il avait grandi et ça ne l’amusait plus.
Regarder passer les voitures à travers la vitre et en décrire la couleur n’était plus un jeu. Observer les gens à la plage, faire du vélo ou juste être à l’air libre devenait compliqué.

Un épuisement, physique, psychique et psychologique qui a provoqué une colère en lui dont j’ai fait les frais. Mais c’est aussi mon rôle, le rôle de toute maman d’accompagner son enfant, de faire preuve de compréhension, de relativiser même si certains actes et paroles sont parfois durs à encaisser.

Comment y faire face au quotidien ?

Il faut faire preuve de souplesse et de patience pour qu’il ait le sentiment d’être compris, mais il faut aussi faire preuve de fermeté pour ne pas le surprotéger.

Hors de question qu’il devienne le « chouchou » parce qu’il est malade, qu’il se sente à l’écart car il ne l’est pas il reste un petit garçon comme les autres.
Je dois aussi dire non quand il veut, comme son petit frère, un bout de fromage sur une tranche de pain car malgré ce crève-cœur ce n’est pas pour autant que toute la famille doit se mettre au régime.
C’est moi qui ai la dure tâche de gérer sa maladie donc nous avons une relation indissociable qui se passe de mots.
Avec ces petits yeux malicieux, il m’interpelle en me demandant « je peux ? » . Et en un quart de seconde, nos regards se croisent et il connaît la réponse.

La gestion du comportement

Nous avons tout de même de la chance d’avoir un petit garçon qui sait se raisonner quand il le faut. Parfois il lui arrive de faire quelques colères, comme tous les enfants, mais lui, c’est surtout dû à sa frustration… Lorsqu’il doit prendre des corticoïdes cela influe aussi sur son comportement. Il peut être surexcité voir incontrôlable et la seconde d’après se mettre à pleurer si on lui fait une réflexion ou si on le gronde.

Il faut jongler entre autorité et compréhension pour garder son rôle de parent. J’avoue me sentir souvent coupable lorsque je le punis mais je sais que c’est pour son bien.
Il ne faut pas hésiter à en parler à un psychologue qui en général est mis à disposition dans le cadre du suivi médical.
Se sentir compris et appuyé par d’autres personnes que la famille fait énormément de bien.
Il y a également l’association des malades du syndrome néphrotique AMSN qui est également présente sur Facebook.
L’enfant pourra lui aussi mettre des mots sur ce qui lui arrive et vous serez étonnés de certaines de ses réponses !

Le rituel du traitement

Il n’a jamais été difficile en ce qui concerne la prise de ses traitements au goût ignoble. À heure fixe, jour après jour, j’ai dû lui imposer ce rituel sans lequel nous étions perdus lui et moi.

Il en est à son troisième traitement, celui qui lui correspond (enfin) du moins pour le moment car nous ne pouvons pas affirmer que ce sera le cas dans les mois à venir.
Au moment où je vous parle, il ne prend plus aucun médicament ni de corticoïdes, ce qui n’est pratiquement jamais arrivé jusqu’à présent.

Depuis septembre 2016, il est soigné par Rituximab, une injection réalisée en hôpital de jour, à raison d’une fois tous les 5 mois environ qui permet de mettre un peu de distance entre le syndrome néphrotique et lui.

Un sentiment de liberté, car il n’y a plus la contrainte alimentaire, ce qui est déjà énorme, mais il n’y a plus à se dire « c’est l’heure du médicament ». On ne s’en rend pas forcément compte mais une prise de traitement à heure fixe entraîne quand même pas mal d’inconvénients : il faut rester vigilant sur la quantité restante dans le flacon et anticiper la prochaine commande à la pharmacie pour ne pas se laisser surprendre, une sortie imprévue, un restaurant improvisé est impossible, et je ne parle pas de la préparation des valises pour les vacances ou pour un week-end !
Mon alarme est encore programmée sur mon téléphone, comme tous les jours depuis des années sans date butoir, je n’arrive toujours pas à me dire que je n’ai plus à faire ce geste.
Ce geste mécanique sans lequel je suis encore un peu déboussolée, peut être la raison pour laquelle je n’arrive pas encore à la retirer, de peur peut-être de devoir la remettre un jour.

Une épreuve qui renforce

À travers ces quelques lignes j’espère à mon faible niveau avoir pu contribuer à faire connaître un peu plus cette maladie.

Mon but : faire comprendre et partager ce quotidien loin d’être dramatique mais qui est contraignant.

J’ai appris beaucoup sur moi, sur mon propre enfant et sur les autres en étant confrontée à la vie en milieu hospitalier. Une épreuve qui change le regard que l’on a sur la vie et qui fait prendre conscience que la vie est un cadeau, un cadeau précieux qui peut se briser à tout moment mais aussi se consolider et devenir encore plus beau.

J’ai une grande admiration pour tous ces enfants, pour qui la vie est loin d’être rose, mais qui nous la font voir différemment, au travers de leurs yeux, aux couleurs de l’arc-en-ciel. Ils sont mentalement bien plus forts que nous, ce sont eux qui nous apprennent chaque jour le sens du mot courage.

J’adresse aussi un clin d’œil à toutes ces familles qui vivent la même chose que moi : je sais que c’est difficile mais ne baissez pas les bras, la vie c’est comme la cuisine ! Saupoudrez-la d’amour, ajoutez‑y une pointe de patience et un soupçon d’optimisme vous obtiendrez la recette parfaite 

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Carlet Laetitia

Mon fils a été hospitalisé en juillet pour la même chose.. c’est vraiment pas évident ça c’est clair :/ mais ils se battent de toutes leurs forces et oui, ils sont bien plus courageux que nous ! Il a déjà fait une rechute depuis, qui a été prise en charge rapidement, pour le moment tout va bien mais toujours les traitements fort, le sans sel etc c’est lourd mais c’est pour son bien ! En tout cas courage à vous et j’espère que ça ne reviendra pas 🤞🏼

Administrateur
Ornella
en réponse à  Carlet Laetitia

Merci pour ce gentil message ! Je vous envoie tout mon soutien et tout mon courage 🙂

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